Il y a quelques semaines, la bourse américaine a connu une vague de ventes massives qui a effacé plus de 1 000 milliards de dollars de la valeur des entreprises technologiques. La cause n'était pas une crise financière ni des résultats décevants, mais l'annonce de DeepSeek, une start-up chinoise, concernant le lancement de son modèle d'intelligence artificielle (IA) R1.
Ce qui mérite d’être mentionné n’est pas que R1 est aussi puissant que GPT-4 d’OpenAI, mais que la stratégie du modèle est entièrement gratuite.
Cette décision n'est pas un acte de charité, mais une attaque économique soigneusement calculée, la première salve d'une stratégie nationale visant à transformer en profondeur la façon dont le monde fait des affaires et gagne de l'argent grâce à l'IA. La Chine ne souhaite pas seulement rivaliser, elle veut changer les règles du jeu en faisant de l'IA un bien commun, d'un luxe.
Quand le « pas cher » devient l’arme ultime
Alors que des géants comme OpenAI, Google ou Anthropic dépensent des centaines de millions de dollars, voire des milliards de dollars, pour construire des modèles exclusifs et revendre ensuite l’accès à des prix élevés, la Chine choisit la voie du dumping sur le marché – une stratégie classique dans les manuels d’affaires modernes.
Le premier obstacle est le coût. Le modèle R1 de DeepSeek a été développé avec un budget inférieur à 6 millions de dollars, soit une fraction du coût de construction du GPT-4.
La Chine y est parvenue en exploitant la puissance de puces plus anciennes comme la Nvidia H800, qui ne sont pas soumises à l'interdiction d'exportation américaine. Au lieu de se lancer dans la course au matériel coûteux, elle a opté pour une approche plus intelligente : optimiser les coûts pour créer un avantage concurrentiel durable.
De plus, la stratégie « freemium » adoptée par les entreprises chinoises – qui proposent un modèle gratuit mais puissant – montre qu’elles recréent la formule qui a aidé Google et Facebook à dominer Internet : attirer les utilisateurs, élargir la communauté des développeurs, puis trouver comment gagner de l’argent plus tard.
Une fois que l'IA chinoise deviendra la norme auprès des développeurs et des entreprises du monde entier, sa monétisation ne sera qu'une question de temps. Les entreprises pourront lancer des versions commerciales premium, proposer du support technique et même monétiser des données, le tout sur une plateforme initialement gratuite.
Le plus dangereux est la pression invisible, mais bien réelle, que cette stratégie exerce sur les entreprises américaines. Alors que le marché est inondé de modèles d'IA gratuits offrant une qualité quasi premium, qui acceptera de payer des millions de dollars pour des licences ?
Cela oblige les entreprises occidentales à baisser leurs prix, à réduire leurs marges bénéficiaires ou à prouver la supériorité de leurs produits – une exigence de plus en plus difficile à satisfaire à mesure que l’écart de qualité se réduit.

La percée de DeepSeek en matière d'IA fait chuter les actions technologiques américaines (Photo : Techwireasia).
Machine nationale d'infrastructure : la base d'un jeu à long terme
Pour que la stratégie de l'« IA gratuite » réussisse, les entreprises ont besoin d'une infrastructure robuste et peu coûteuse. C'est là qu'entre en jeu l'État chinois.
Pékin déploie un plan visant à construire plus de 250 centres de données dédiés à l'IA à travers le pays, essentiellement un programme de subventions gouvernementales massives, selon un rapport de Strider Technologies.
En investissant dans les infrastructures informatiques, le gouvernement réduit considérablement les coûts d'exploitation des entreprises nationales d'IA. Cela leur permet également de maintenir durablement un modèle économique gratuit, étouffant ainsi la concurrence.
Cette ambition s'étend encore plus loin dans l'espace, avec le déploiement de milliers de satellites qui serviront de centres de données en orbite. Sur le plan économique, cela créera un avantage unique : la capacité de collecter et de traiter des données quasi instantanément, ouvrant la voie à de nouveaux modèles économiques dans des domaines tels que la logistique, l'agriculture intelligente et la finance. Il s'agit d'un investissement à long terme pour maîtriser l'ensemble de la chaîne de valeur de l'économie des données.
Barrières commerciales et risques à ne pas ignorer
Bien que la stratégie de la Chine soit bien pensée, elle se heurte à d’importantes barrières économiques et commerciales.
Le plus grand risque n'est pas la technologie, mais la confiance. Les entreprises internationales, notamment occidentales, sont-elles prêtes à confier leurs données commerciales les plus sensibles à un modèle d'IA formé et exploité dans l'environnement internet censuré de la Chine ?
La censure du contenu et les problèmes de sécurité des données constituent d’énormes barrières commerciales qui pourraient limiter la capacité de l’IA chinoise à pénétrer les marchés mondiaux.
De plus, le marché est en constante réaction. Sous la pression des modèles ouverts chinois, les entreprises américaines ne restent pas inactives. Meta a été le pionnier du modèle open source Llama, et Elon Musk a également ouvert le code source de Grok. La bataille se déplace progressivement du « fermé contre ouvert » vers une compétition pour déterminer quel écosystème ouvert est le meilleur, le plus sûr et le plus fiable.
L'avenir économique de l'IA : la course aux modèles économiques
L’essor de l’IA chinoise démontre une vérité importante : la course à l’IA du futur ne sera pas seulement une course à la technologie la plus puissante, mais une course au modèle économique le plus durable.
La Silicon Valley a l'habitude de vendre des produits technologiques avec des marges bénéficiaires élevées. Mais la Chine parie que l'IA connaîtra le même sort que le cloud computing ou les logiciels open source, où les prix ne cessent de baisser et où la concurrence est rude pour les plus grandes entreprises et les plus économiques.
Ce pari économique oblige le monde à repenser sa stratégie. L'avenir de l'IA sera-t-il celui d'un service premium ou celui d'un service de base accessible à tous ? La réponse façonnera non seulement l'industrie technologique, mais aussi l'économie mondiale tout entière pour les décennies à venir. Et aujourd'hui, c'est la Chine qui mise le plus sur un avenir libre.
Source : https://dantri.com.vn/kinh-doanh/ai-mien-phi-trung-quoc-thach-thuc-thung-lung-silicon-20250710165519671.htm
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