En repensant à il y a plus de 20 ans, cette terre n'avait que des maisons minables comme des champignons accrochées au bord du lac, le paysage était poétique mais avait toujours quelque chose de désolé et de solitaire... Les scènes de vie que j'ai rencontrées ce jour-là laissent encore en moi un vague sentiment persistant.
Lors de ma première rencontre avec le vétéran Phan Van Nhung, j'ai eu l'impression qu'il était un homme libre et quelque peu romantique. Appartenant au premier groupe de soldats B, M. Nhung connaissait bien les coutumes et les habitudes des autochtones. Il disait pouvoir boire du vin toute la nuit et prendre de la nourriture à l'abreuvoir sans hésiter. Le jeune lieutenant ne s'attendait pas à ce que sa nature « différente » attire l'attention de l'artiste Y Nhan. Ils devinrent amants en 1971, en plein cœur des jours de guerre…
Après le jour de la libération, M. Nhung ramena sa femme dans sa ville natale sur une Honda 67. Tout le monde pensait que cela les « éblouirait », mais, de façon inattendue, la nouvelle que « Nhung avait épousé un homme sauvage avec une queue » avait été diffusée. Dès qu'ils atteignirent la porte du village, une longue file de gens les suivit. Phan Van Nhung, troublé, frappa un arbre au bord de la route avec sa voiture… Lorsqu'il réalisa, le responsable de la coopérative dit : « Elle est si belle et chante si bien, ce serait formidable si elle restait pour enseigner à la maternelle de la commune ! »
M. Pham Cong Luc (deuxième à partir de la gauche) et des vétérans. |
M. Nhung et sa femme décidèrent de retourner à Dak Ngoc. Mais la vie de privation et de difficultés de tous ordres causa la mort d'Y Nhan, alors qu'elle venait de donner naissance à son quatrième enfant. Père célibataire, M. Nhung élevait trois jeunes enfants, dont un nouveau-né. Voyant sa détresse, la tante de sa femme lui dit : « Voici Y Gheo, son cousin. Si tu es d'accord, il s'occupera des enfants à ma place… » M. Nhung fut ému aux larmes. Y Gheo l'avait « lié » sans aucune formalité de mariage. Il pensait que la vie serait plus belle désormais, mais contre toute attente, après avoir donné naissance à son premier enfant, Y Gheo souffrit d'un œdème rénal. Deux douleurs consécutives frappèrent M. Nhung, le faisant souffrir si fort qu'il crut devenir fou. Pour apaiser sa tristesse, il se tourna vers l'alcool. Et ce fut une triste fin : alors qu'il pêchait, il tomba dans le lac et mourut ivre mort…
D'un certain point de vue, la vie amoureuse du vétéran Dinh Cong Toi était encore plus tragique qu'ironique… Lorsqu'il partit combattre sur les Hauts Plateaux du Centre, il avait déjà une épouse dans sa ville natale. Garde, Toi était chargé de protéger les commandants, dont le lieutenant Y My. Voyant les sentiments inhabituels entre eux, nos soldats les mirent d'abord en couple pour le plaisir, mais contre toute attente, « un soldat aime son chef » se révéla vrai. Si l'histoire s'était arrêtée là, elle aurait été normale dans les circonstances de l'époque. Mais un « chef » tomba également amoureux de lui : Y Liu. Y Liu avait étudié à l'École des officiers de l'armée 1 avant de retourner dans sa ville natale pour combattre… Après la libération, deux femmes le suivirent au village 7 de la commune de Dak Ngoc pour y débuter leur carrière. La « première épouse » venue du Nord vint lui conseiller de retourner dans sa ville natale, mais il décida de rester… Depuis de nombreuses années, les deux femmes vivent sous le même toit en harmonie. Sa vie amoureuse me rappelle le miracle du conte de fées « trois hommes à tête de légume »...
Cela fait de nombreuses années que le sort du vétéran Luu Cong Huyen me hante encore. Dans la petite maison au toit de chaume, chaude et faiblement éclairée, j'avais l'impression que son corps était moulé dans la cire…
Cela faisait 15 ans que Luu Cong Huyen souffrait d'une étrange maladie : d'abord, ses jambes se sont ratatinées, puis sont devenues paralysées ; tout son corps était couvert de bosses. Celles-ci ont grossi puis ont éclaté, laissant s'écouler un liquide crémeux. Il savait qu'il souffrait des séquelles de l'agent orange, mais comme il n'avait pas d'argent pour aller à l'hôpital, il a dû rester allongé au même endroit et attendre la mort. Nous avons été émus aux larmes lorsqu'il a raconté l'histoire de Mme Y Xuan… Y Xuan était originaire de Gie Trieng, un ancien soldat qui nourrissait l'armée. Ils s'étaient rencontrés pendant la guerre et, après près de 30 ans de vie commune, ils avaient eu 8 enfants. La force d'une femme malade, travaillant dur dans les champs et les jardins pour élever tant d'enfants, avec un mari malade, était inimaginable. Pourtant, personne ne l'a jamais entendue se plaindre. De retour à Gia Lai, je n'avais pas encore écrit un mot sur Luu Cong Huyen lorsque j'ai soudain reçu une lettre m'annonçant son décès.
Bien qu'il ait plus de soixante-dix ans, M. Pham Cong Luc a conservé l'humour et la bonne humeur d'un soldat. Après toutes ces années, il se souvient encore de moi. Il m'a raconté que sur les 18 couples qui composaient le village 7 de la commune de Dak Ngoc à l'époque, 5 étaient décédés ; 7 étaient encore mariés. M. Luc était l'un des 6 chanceux encore en vie…
« Quand nous sommes arrivés sur cette terre pour créer une entreprise, chacun avait en sa possession deux vêtements et des couvertures qui tenaient dans un sac à dos. Ceux qui avaient du surplus étaient des enfants nés dans la forêt. » – M. Luc souriait avec humour en se remémorant la vieille histoire… Partout où il y avait des vers, nous semions de la terre, construisions une cabane provisoire, puis cultivions pour avoir de quoi manger. Les difficultés et les pénuries étaient compréhensibles, mais le plus douloureux était de ne pas pouvoir visiter notre terre natale après tant d'années d'absence.
Plusieurs années se sont écoulées depuis la libération, mais ma femme et moi n'avons toujours pas pu retrouver nos proches. Après de nombreuses hésitations, nous avons finalement décidé d'y aller. La difficulté était maintenant de savoir quels cadeaux offrir à mes jeunes sœurs. Eh bien, je prenais le risque, alors j'ai acheté à chacune d'elles une fausse bague en or. Qui aurait cru que mon frère aîné, qui avait vécu dans le Sud pendant tant d'années, offrirait à sa cadette une fausse bague en or ! Elles l'ont toutes précieusement conservée. Ce n'est que plusieurs années plus tard que j'ai écrit à mes proches pour leur confesser et leur demander pardon… Les épreuves et les innombrables privations se sont ajoutées aux calomnies du monde. C'était une époque vraiment étrange. Pas seulement M. Nhung, nous étions presque tous considérés comme un couple avec quelque chose… de différent », a déclaré M. Luc.
La vie des habitants du village 7, commune de Dak Ngoc (aujourd'hui commune de Dak Ui, province de Quang Ngai ) est différente d'avant. |
Mais aussi pénible et sombre que soit la vie, il viendra un temps où elle devra être éclaircie… En 1995, l'entreprise économique du parti Kon Tum est venue aider les gens à cultiver le café. Quatre ans plus tard, la situation économique a commencé à s'améliorer. Les familles ont désormais les moyens d'investir dans l'éducation de leurs enfants… Les situations familiales difficiles évoquées dans le film à cette époque – M. Luc a clairement compté ses doigts : « M. Phan Van Nhung a un enfant officier et trois enfants fonctionnaires. M. Luu Cong Huye a un enfant enseignant. Les autres enfants, bien qu'ils restent à la maison pour faire du café, ont tous une vie agréable. M. Dinh Cong Toi est pareil. Les familles considérées comme difficiles à l'époque étaient comme ça ; d'autres familles, comme M. et Mme Tran Xuan Lanh-Y Xa, ont eu jusqu'à dix enfants, tous médecins, officiers et fonctionnaires… ».
Le soleil était à son zénith, mais M. Luc et M. Lanh m'emmenaient toujours avec enthousiasme visiter les plantations de café de la « génération des enfants » pour me raconter… M. Luc m'a expliqué que, du berceau des villages 7 et 8, le village comptait désormais 202 foyers répartis en 9 groupes ethniques, « de la pointe du pays au cap Ca Mau ». Ses paroles m'ont rappelé la chanson « Mari et femme en harmonie… village en harmonie, pays en harmonie ». En l'appliquant à cette terre, j'ai été soudain frappé par son éternelle vérité…
Après les luxuriantes plantations de café se trouve le lac Dak Uy, scintillant au soleil tel un immense joyau vert. Ce vaste projet d'irrigation a été construit par les soldats du régiment 331 alors que les tirs venaient de cesser sur ces terres. Ils l'ont baptisé « Barrage de la Source ». Quel nom romantique et inquiétant !
Ngoc Tan
Source : https://baodaklak.vn/xa-hoi/202507/nhung-moi-tinh-dep-hon-nuoc-mat-33a0e9d/
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