1. Même si de nombreuses années se sont écoulées depuis qu'elle a reçu le certificat de mérite de la Patrie, ma grand-mère garde toujours l'habitude de sortir chaque après-midi, les yeux fixés au loin au bout du chemin comme si elle attendait une silhouette familière.
Le Certificat de Mérite de la Patrie fut déposé solennellement sur l'autel, recouvert d'un tissu rouge. Mais dans son cœur, ce n'était pas la fin, car elle ignorait où mon oncle s'était sacrifié, sur quelle terre il était resté. C'est pourquoi, dans le calme des nuits, elle priait encore en silence pour un miracle, pour que mon oncle soit peut-être quelque part et qu'il revienne un jour. Cette croyance, aussi fragile qu'un filet de fumée, eut la force de perdurer pendant les longues années et les longs mois de sa vie. Le temps passa ainsi : un an, deux ans, puis des décennies. Ma grand-mère abandonna l'espoir d'accueillir son fils intact, mais nourrit un désir ardent de toucher un jour la terre où il reposait.
Mon enfance s'est déroulée paisiblement dans la petite maison de ma grand-mère. Je me souviens encore des fins d'après-midi où ma grand-mère et moi nous asseyions au coin du banian, à l'entrée du village, pour profiter de la brise. Grand-mère regardait toujours vers le petit sentier à travers champs. Parfois, elle essuyait rapidement ses larmes. Je me souviens aussi des après-midi où nous allumions le feu pour cuire le riz ensemble, ou des nuits tardives où elle me racontait les facéties de mon père enfant, sa voix mêlée d'un soupçon de reproche et d'amour, et ses histoires étaient d'innombrables souvenirs de mon oncle, que je n'avais jamais vu mais qui m'inspirait un sentiment de fierté et d'infinie gratitude.
2. À travers les histoires racontées par ma grand-mère et mon père, j'ai peu à peu imaginé mon oncle – un jeune homme d'une vingtaine d'années, à la peau claire, l'un des plus beaux hommes du village, au sourire chaleureux et très studieux. Ayant grandi pendant les années où le pays était en proie à la guerre, mon oncle s'est porté volontaire pour rejoindre l'armée sur le champ de bataille du Sud, apportant avec lui sa jeunesse et une promesse faite à une fille du quartier voisin.
Le jour du départ de mon oncle, ma grand-mère cueillit quelques pamplemousses mûrs du jardin et les déposa sur l'autel pour lui dire : « Notre garçon a grandi et sait se consacrer à la Patrie. Je surmonterai toutes les difficultés pour qu'il puisse accomplir sa noble mission avec confiance. » Avant de partir, elle serra fort la main de mon oncle et lui dit de se battre avec courage, d'être digne des traditions de sa famille et de sa patrie, et de retourner définitivement auprès de sa mère. Obéissant à sa mère, mon oncle partit, convaincu du jour de la victoire, afin de pouvoir bientôt retrouver les siens. La fille du village voisin eut juste le temps de tendre rapidement une écharpe verte à mon oncle, puis courut vers le pamplemoussier et sanglota. Ma grand-mère le réconforta et lui dit : « Crois en lui, et notre famille connaîtra une grande joie. »
Mais le jour fatidique arriva. La nouvelle de sa mort, survenue sur le champ de bataille du sud, laissa toute la famille sans voix. Ma grand-mère ne pleura pas, elle alla simplement au jardin, cueillit quelques pamplemousses, les déposa sur l'autel, où se trouvait son portrait, et dit doucement : « Grand-père… le garçon m'a quittée pour revenir vers toi. Prends soin de lui et enseigne-lui pour moi… »
Chaque printemps, lorsque le verger de pamplemousses derrière la maison embaume ses parfums, elle sort au jardin, silencieuse comme une ombre. Bien des jours, elle reste assise des heures, murmurant parfois aux bouquets de fleurs comme si elle se confiait à son âme sœur. Pour elle, il n'y a pas qu'un seul jour, le 27 juillet, pour se calmer et se languir, mais à tout moment, n'importe où, faisant n'importe quoi, heureux ou triste, elle se tient devant l'autel et parle à mon grand-père et à mon oncle comme s'ils ne s'étaient jamais quittés. Chaque fois qu'elle regarde la télévision et voit quelqu'un retrouver la tombe d'un proche après des années de perte de contact, ses yeux s'illuminent d'espoir. Et ainsi, saison après saison, année après année, elle attend toujours en silence, obstinément comme le ruisseau souterrain qui nourrit les pamplemoussiers derrière le jardin pour qu'ils fleurissent et portent des fruits chaque année.
3. Chaque fois que j'ai l'occasion de visiter les cimetières de martyrs, je m'arrête toujours longuement devant les tombes anonymes, juste pour écouter le murmure de la terre et du vent. Parfois, dans ce silence, je croise les images de grands-mères, de mères et d'épouses de martyrs, assises tranquillement près des tombes, chuchotant aux défunts comme ma grand-mère parlait à mon grand-père et à mon oncle à l'époque. Je rencontre aussi de nombreux vétérans, ceux qui ont eu la chance de revenir du champ de bataille acharné, les cheveux gris, s'appelant encore par les prénoms intimes de M. Mia, Mme Chanh… Ils allument discrètement des bâtons d'encens sur les tombes, transmettant avec eux leur amour, leurs souvenirs, les choses qu'ils n'ont pas eu le temps de dire et leurs rêves inachevés.
Debout devant les tombes des soldats qui s'étaient arrêtés à vingt ans, je ressentais plus vivement que jamais la perte et les blessures incurables des mères qui avaient perdu leurs enfants, des épouses qui avaient perdu leurs maris. Je comprenais pourquoi ma grand-mère pouvait rester assise des heures à discuter avec le pamplemoussier, pourquoi elle se réveillait souvent au milieu de la nuit… Je me souvenais clairement de son visage aux rides profondes comme les marques du temps, de ses cheveux argentés soigneusement enveloppés dans un foulard de soie brun foncé, de ses yeux tristes, de ses mains maigres et de la chemise délavée qui l'avait suivie à travers de nombreux anniversaires de décès. Je me souvenais des histoires qu'elle racontait sur son oncle, toujours dans la vingtaine, « plus beau que les roses, plus dur que l'acier » (selon les mots du poète Nam Ha dans le poème « Pays »), que je n'avais jamais rencontré.
Il est des sacrifices indescriptibles, des souffrances indicibles. Ce sont les sacrifices des martyrs héroïques, l'endurance silencieuse mais tenace des mères, des pères, des épouses… à l'arrière. Tous ont créé une épopée silencieuse mais immortelle, écrivant l'histoire de la paix … pour que nous puissions « voir notre patrie briller à l'aube ».
japonais
Source : https://baoquangtri.vn/nguoi-o-lai-196378.htm
Comment (0)