À vrai dire, la soudaineté de sa décision a suscité une vive réaction. C'était un vétéran. Après l'unification et l'indépendance du pays, il s'est marié et a continué à travailler dans son village natal jusqu'à sa retraite, année où sa femme est décédée des suites d'une maladie. Il avait trois enfants et six petits-enfants. Ses enfants ont tous fait des études universitaires, puis ont choisi de rester en ville pour travailler et fonder une famille. Les petits-enfants connaissaient la ville et, lorsqu'ils retournaient au village pour quelques jours, ils se plaignaient de tristesse. Il vivait toujours dans sa maison à la campagne, désormais dotée de l'électricité, de routes, d'écoles et de gares, entouré de voisins et de ses camarades vétérans.
Un jour après son voyage chez ses camarades, M. Linh rentra chez lui, cette fois accompagné de Phat. Ce dernier était le petit-fils de son camarade qui avait combattu à ses côtés. Les parents de Phat étaient morts accidentellement de nombreuses années auparavant, et Phat vivait donc chez son grand-père depuis son plus jeune âge. Récemment, voyant sa santé décliner progressivement, son camarade l'appela pour lui confier Phat. Ce voyage chez le camarade de M. Linh avait en réalité pour but de le ramener sur terre et de lui souhaiter la bienvenue.
Phat était un garçon calme, qui ne parlait qu'à M. Linh. Je l'avais remarqué, car ma maison et celle de M. Linh n'étaient séparées que par un buisson de bambous, clôturé de branches sèches. Lorsque ma grand-mère apprit que M. Linh avait adopté Phat, elle me demanda d'aller le voir et de me lier d'amitié avec lui, de l'emmener jouer dehors, car elle craignait qu'il ne soit triste sans amis à son arrivée. Mais voyant que Phat était toujours calme, le visage froid, j'hésitai. Ce n'est qu'au retour de M. Linh du quartier ou du marché que Phat laissait entrevoir un peu de son enfance, sautant du porche pour le serrer dans ses bras. Je ne sais pas pourquoi, mais à cet instant, j'ai vu un sourire dans nos yeux. Dès lors, mon impression de Phat ne fut plus si lointaine.
Un soir, je suis sortie attraper des lucioles et tirer sur des grenouilles avec les enfants du village. En rentrant chez moi, j'ai aperçu M. Linh assis sur le porche. Il m'a fait signe de sortir et m'a murmuré : « La prochaine fois que tu sors, peux-tu emmener Phat ? » J'ai répondu : « Ma grand-mère m'a demandé de faire la même chose, mais je ne sais pas si Phat acceptera, car il a toujours le visage froid. » Il a murmuré : « Si tu lui demandes, Phat partira tout de suite. Le petit garçon a encore peur, car tous ses proches sont morts. Si tu lui demandes de sortir, il doit être très content. »
Au cours de l'été, Phat et moi sommes devenus de bons amis après avoir joué à toutes sortes de jeux amusants ensemble à la campagne. Puis vint le jour où Phat commença l'école et alla dans la même classe que moi. Dès lors, je voyais chaque jour M. Linh, vêtu d'une vieille chemise de soldat, emmener son petit-fils à l'école à vélo. À chaque tour de roue sur la digue au petit matin, nos sourires ne s'éteignaient jamais. Quand Phat entra au lycée, son père lui acheta un nouveau vélo, mais il lui demanda quand même de l'emmener à l'école. Je « critiquai » mon ami : « Tu es vieux, comment peux-tu porter un petit-fils aussi grand et dégingandé à l'école ? »
Phat souriait simplement sans rien dire. Ce n'est qu'après être parti tôt pour l'école que j'ai remarqué que chaque matin, M. Linh était agité et appelait Phat : « Je t'emmène à l'école. » Il s'est avéré que cette habitude d'emmener Phat à l'école chaque matin était sa joie. Phat comprenait et le laissait toujours sortir à vélo, mais arrivé à la digue, il s'est battu pour l'emmener à vélo : « Alors, tu m'emmènes encore à l'école. » J'ai vraiment admiré la gentillesse de mon ami.
Soudain, après avoir terminé le lycée, Phat reçut une bourse pour étudier en Occident. Il hésitait longuement à y aller ou non. M. Linh resta silencieux, veilla toute la nuit et, le lendemain, insista : « Va à l'école, réussis, puis reviens. » Phat lui tenait la main en silence.
Le jour où Phat a pris le bus pour la ville et s'envoler vers cette contrée lointaine, mon grand-père et moi sommes allés au début de la digue pour lui dire au revoir. Phat allait à l'école loin de chez lui et, chaque matin et chaque soir, il me demandait de venir chez lui pour prendre de ses nouvelles, vérifier s'il allait bien et s'il avait bien mangé. Ses enfants et petits-enfants, voyant que Phat n'était plus à la maison, ont tenté à plusieurs reprises de le convaincre de déménager en ville, mais il a refusé de m'écouter. Il m'a dit : « Reste ici pour que Phat ait un endroit où retourner. S'il va en ville, où trouvera-t-il un endroit où aller ? »
Après plusieurs années d'études, Phat a trouvé un bon emploi. Ses voisins pensaient que Phat ne reviendrait pas, car ce n'était pas sa ville natale et il n'avait plus de famille. Mais je savais que mon ami ferait de son mieux pour prendre soin de M. Linh à l'avenir.
Puis vint le jour du retour de Phat. Ce jour-là, j'aidai M. Linh à monter sur la moto et longeai lentement la digue pour aller chercher Phat. Dès qu'il en fut descendu, Phat courut droit vers lui. Je revis l'image du garçon silencieux du passé qui sautillait, les yeux pétillants de joie, accueillant M. Linh de retour du village et du marché. M. Linh était très vieux, presque sénile, mais lorsqu'il vit Phat, ses yeux pétillèrent de joie et étaient aussi perçants qu'avant. Phat le serra dans ses bras : « Grand-père, je suis rentré. »
Nous avons ri tous les trois ensemble sur la digue venteuse.
Nouvelle : LE HUA HUYEN TRAN
Source : https://baocantho.com.vn/chau-cua-nguoi-cuu-chien-binh-a189695.html
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