
Cette année-là, l'été fut extrêmement intéressant pour les enfants de la campagne. Nous avions quatre-vingt-dix jours de temps libre ; à midi, nous pouvions tous nous retrouver sous les racines de bambou du jardin pour pêcher, jouer aux dames, etc.
Et bien sûr, il y avait aussi l'attente du stand de tofu de Mlle Ba, la mère de Tun, qui était dans la même classe que nous. Ma maison n'était pas loin de celle de Mlle Ba, alors certains matins, j'en profitais pour aller lire des livres avec Tun, et j'avais l'occasion d'observer et d'en apprendre un peu plus sur la cuisine du tofu de sa mère.
Selon Tun, la veille, les graines de soja - l'ingrédient principal de ce plat - ont été tamisées par sa mère pour éliminer les graines abîmées et pourries et les donner aux poules, choisissant uniquement les graines rondes, grosses et jaunes à tremper dans l'eau.
Dès 4 heures du matin, Mlle Ba allait chercher de l'eau au puits, la laissait décanter jusqu'à ce qu'elle soit claire, puis commençait à moudre les graines de soja trempées. Pendant près d'une heure, Mlle Ba restait assise méticuleusement, prélevant chaque louche de graines de soja, ajoutant de l'eau et usant de toute sa force pour moudre le soja à la meule de pierre jusqu'à obtenir une mouture très fine. Tun aidait sa mère à laver une grosse botte de feuilles de pandan pour égoutter l'eau.
Après la mouture, les fèves sont soigneusement filtrées pour éliminer tous les solides et ne conserver que la poudre fine. On ajoute la quantité d'eau nécessaire et on porte à ébullition en remuant avec des baguettes pour éviter que l'eau ne s'accumule au fond de la casserole et ne brûle.
Le parfum des feuilles de pandan mélangé à l’eau de haricot crée une saveur attrayante qui stimule l’odorat et le goût de chaque enfant en pleine croissance.

Toujours curieuse, je suis restée pour observer les étapes suivantes. Prenant un pot en terre cuite sec, à ouverture légèrement large et de 15 cm de haut, Mme Ba enduisit l'intérieur d'une couche de poudre d'eau (quand je demandai, j'appris qu'il s'agissait d'un épaississant), puis versa l'eau des haricots cuits et la plaça dans un panier en bambou rempli de paille pour la garder au chaud.
Puis elle sortit plusieurs bols de sucre, les coupa en morceaux et exhorta Tun à peler et piler le gingembre. Une odeur de sucre caramélisé et de gingembre se répandit dans l'air, me ramenant à l'époque précédant le Têt, dans la petite cuisine où ma mère faisait bouillir du sucre pour une fournée de pop-corn…
Alors qu'ils étaient absorbés par leur jeu d'après-midi d'été consistant à sauter des siestes, ils levèrent les yeux et virent une silhouette grande et mince avec une perche sur l'épaule et une voix rauque familière qui criait : « Qui veut du tofu ? »
La travailleuse portait sur ses épaules une paire de perches, dont une soutenait une petite armoire en bois à trois compartiments. Le compartiment supérieur contenait deux bols et un petit compartiment pour les cuillères ; le second compartiment contenait une bouilloire d'eau sucrée munie d'un bouchon en feuille de bananier ; le dernier compartiment contenait une bassine d'eau pour rincer la vaisselle, à laquelle on avait ajouté quelques feuilles de pandan pour parfumer et empêcher l'eau de déborder. À l'autre extrémité de la perche se trouvait un panier en bambou contenant du tofu.
Mademoiselle Ba transportait le tofu à petits pas doux pour éviter de le secouer et de le faire s'effriter, cristallisation de l'effort de toute la journée et c'est la principale source de revenus pour toute la famille.
À chaque commande, Mme Ba s'arrête dans un endroit propre et ombragé, ouvre le bocal de tofu, découpe des morceaux de tofu mou à l'aide d'une louche en aluminium et les répartit autour du bol avant d'ajouter le sucre. Le bol de tofu blanc, mélangé à de l'eau légèrement cassonade et à quelques brins de gingembre jaune, dégage un arôme envoûtant qui stimule l'odorat.
Par temps chaud, un bol de tofu apaise la soif ; par temps froid d'hiver, du tofu chaud mélangé à du gingembre apporte un peu d'énergie pour chasser l'humidité et le froid. C'est un merveilleux cadeau rustique que chacun a souvent apprécié durant son enfance rurale.
Le tofu moderne se cuisine toujours de la même manière que le tofu traditionnel, mais pour plus de commodité, on utilise du sucre roux pour préparer le liquide, et le vendeur n'a plus besoin de le transporter à pied comme autrefois. Cependant, le bol de tofu d'aujourd'hui n'a plus le même parfum que celui de l'enfance. Peut-être qu'en vieillissant, les gens se désintéressent des sucreries ou s'en désintéressent, car ils sont trop rassasiés ?
Peut-être pour plusieurs raisons ? Aussi parce qu'aujourd'hui, partout dans les rues et les villes, de nombreux magasins vendent du tofu singapourien, du tofu frais Yumi… préparé de diverses manières.
Les chefs ont lancé une série de nouveaux menus autour d'un plat traditionnel pour attirer l'attention de tous les âges. En observant les menus de ces restaurants, on peut apprécier la richesse de ce cadeau ancestral, décliné sous de multiples formes et saveurs…
Mais pour quelqu'un qui, comme moi, adore la nostalgie, le goût simple, rustique, sucré et parfumé du bol de tofu de Miss Ba, de mon enfance, persiste dans mes sens, même après une demi-vie. Le parfum de la campagne, le parfum de l'enfance, sont à jamais gravés dans mon esprit, comme une gravure sur la chronologie de la vie.
Source : https://baodanang.vn/thuc-qua-que-ngay-nang-nong-3298527.html
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