Constatant une nouvelle vague d'inflation, la Banque centrale de Russie (CBR) a augmenté ses taux d'intérêt de 100 points de base le 15 septembre.
Les prix des denrées alimentaires et autres produits de première nécessité augmentent en Russie. Les fruits et légumes ont coûté 20 % de plus en août qu'un an plus tôt, tandis que le poulet et les œufs ont augmenté respectivement de 15 % et 12 %, selon les données gouvernementales. Les voyages à l'étranger sont près de 40 % plus chers après la forte baisse du rouble cette année.
Selon une enquête réalisée en août par l'institut de sondage FOM, les parents ont déclaré que leurs dépenses en uniformes et vêtements pour enfants avaient augmenté en moyenne de 15 000 roubles, soit environ 156 dollars, contre 10 000 roubles l'année dernière.
Globalement, l'inflation a atteint 5,2 % le mois dernier, soit le double du niveau de 2,3 % d'avril. Pour freiner la hausse des prix, la Banque centrale de Russie (CBR) a relevé son taux directeur de 12 % à 13 % le 15 septembre.
Le mois dernier, la CBR a également relevé ses taux d'intérêt de 350 points de base (3,5 %) afin d'endiguer la chute du rouble. La banque centrale russe a déclaré qu'elle était susceptible de relever encore ses taux en raison de « risques inflationnistes importants » dans l' économie .
Un homme passe devant un bureau de change à Moscou le 14 août. Photo : AP
La chute du rouble, l'explosion des dépenses militaires et la pénurie persistante de main-d'œuvre ont contribué à la hausse des prix ces derniers mois. La Russie a connu une forte inflation l'an dernier, après l'imposition de sanctions occidentales. Mais les prix ont depuis baissé.
La résurgence de l'inflation est une préoccupation majeure pour le gouvernement, qui s'efforce de protéger ses citoyens des conséquences des sanctions. L'économie russe a traversé ses périodes les plus difficiles grâce à des dépenses publiques massives et à la capacité du Kremlin à trouver de nouveaux partenaires commerciaux.
S'exprimant lors du Forum économique du 12 septembre, le président russe Vladimir Poutine a déclaré que l'absence d'intervention du gouvernement entraînerait une inflation incontrôlée. « Il est pratiquement impossible d'élaborer un plan d'affaires dans un contexte de forte inflation. Il n'y a pas de bonnes et très bonnes décisions à prendre, mais des décisions difficiles », a-t-il déclaré.
D'autres défis nous attendent. Selon une enquête de la banque centrale, les anticipations d'inflation des entreprises russes en septembre ont atteint leur plus haut niveau depuis la flambée provoquée par les sanctions l'année dernière.
Sergey Shagaev, un chauffeur de 49 ans de Saransk, à environ 650 kilomètres au sud-est de Moscou, a déclaré que sa famille avait dû réduire sa consommation de viande et ses vacances. « Nous n'avons plus d'argent pour nous nourrir et nous loger. Les gens que je connais sont plus pauvres », a-t-il déclaré. Auparavant, la famille de Sergey Shagaev passait ses vacances en Turquie deux fois par an. « Mais maintenant, nous avons oublié où se trouve la Turquie », a-t-il dit en riant.
Selon une enquête réalisée en juillet par le cabinet d'études Romir, un Russe sur cinq envisage de réduire ses dépenses en alimentation et autres biens essentiels. Environ 28 % recherchent un emploi supplémentaire.
Dans les grandes villes, où les salaires sont plus élevés, l'inflation se fait sentir à travers des produits importés plus chers. Dmitriy, un programmeur de 25 ans vivant à Saint-Pétersbourg, a déclaré que les prix des vêtements, des voitures et des appareils électroniques de marque avaient fortement augmenté avec la chute du rouble. Ses revenus, en revanche, n'avaient pas changé.
« Si le rouble continue de baisser, je pourrais envisager de télétravailler pour gagner des devises ou de m'installer en Europe », a-t-il déclaré. Les consommateurs russes bénéficient également de réductions sur tout, des sacs à dos au ketchup, sur le réseau social Telegram. L'agence fédérale antimonopole a récemment ordonné aux détaillants d'électronique de maintenir les prix des produits de base tels que les téléviseurs, les machines à laver et les cafetières.
L'impact du resserrement monétaire de la CBR pour freiner l'inflation et maîtriser le rouble pourrait être limité. La forte hausse des taux d'août est intervenue après que des responsables politiques russes ont publiquement critiqué la politique de la banque centrale, la jugeant trop accommodante, n'ayant que temporairement stimulé la monnaie. Le rouble a encore perdu plus de 20 % face au dollar et à l'euro cette année. La CBR estimait auparavant que chaque baisse de 10 % du rouble ajouterait un point de pourcentage à l'inflation, les importations libellées en roubles devenant plus chères.
Avant le conflit ukrainien, la Banque centrale de Russie (BCR) influençait la valeur du rouble en utilisant ses réserves pour intervenir sur les marchés des changes. Elle encourageait également les étrangers à acheter des actifs libellés en roubles, comme des obligations d'État, à des taux d'intérêt plus élevés. Mais les sanctions occidentales ont affaibli ces outils. La valeur du rouble est désormais largement soutenue par les ventes d'énergie de la Russie.
Dietmar Hornung, directeur général adjoint de Moody's Investor Service, a déclaré que la hausse des taux d'intérêt « constitue probablement le seul levier dont dispose la CBR pour le moment ». « Mais l'effet, surtout compte tenu des contraintes de l'économie russe, est minime », a-t-il ajouté.
La hausse de l'inflation a creusé l'écart entre riches et pauvres. Depuis février 2022, les Russes fortunés ont transféré des milliards de dollars sur des comptes bancaires à l'étranger, et cette épargne a pris de la valeur avec la baisse du rouble.
« La hausse de l'inflation ne fera que pénaliser les plus modestes », a déclaré Sofya Donets, économiste russe chez Renaissance Capital. Elle prédit qu'une demande plus faible et une réduction des mesures de relance gouvernementales après l'élection présidentielle feront chuter l'inflation en Russie à 4 % d'ici le second semestre 2024.
Phien An ( selon le WSJ )
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