La tendance à quitter l'Amérique

Le nombre de membres des groupes Amerexit et I Want Out sur le forum Reddit a atteint près de 3 millions, car de plus en plus de personnes se rendent compte que la vie en Amérique est trop difficile.

Amelia Basista et JP Stonestreet appellent 2015 « l'année de l'enfer » - la goutte d'eau qui les a forcés à déménager en Amérique du Sud.

Cette année-là, Stonestreet, 43 ans, a reçu un diagnostic de sténose spinale congénitale, une maladie dégénérative du disque intervertébral. Il a dû subir deux interventions chirurgicales et s'est retrouvé dans l'incapacité de travailler. Sa femme, Basista, a également quitté son emploi pour rester à la maison avec lui. Leurs revenus ont considérablement diminué tandis que les primes d'assurance de Stonestreet ont grimpé en flèche.

Ils se sont retrouvés dans l'incapacité de payer leurs prêts immobiliers, leurs mensualités de voiture et autres factures. « Le mode de vie américain normal n'était plus à notre portée », a-t-il déclaré.

Ils ont vendu leur maison à Denver, mais cela n'a pas suffi à rembourser leurs dettes. Ils envisageaient de quitter les États-Unis. En 2017, ils ont déménagé à Cuenca, en Équateur, et ont continué à travailler à distance. Leurs dépenses ont diminué de 70 %.

Basista et Stonestreet font partie d'un groupe croissant d'Américains, lassés du coût de la vie et en quête d'une meilleure qualité de vie à l'étranger. Ils consultent les conseils de groupes comme AmerExit , qui compte 57 000 membres, et I Want Out , qui en compte 2 millions, sur Reddit. Ils consultent des services de déménagement et de conciergerie qui coûtent des centaines, voire des milliers de dollars chacun, et enseignent aux autres comment partir en s'appuyant sur leur propre expérience.

Dans ces groupes, les concepts de géoarbitrage (économiser en allant dans un endroit moins cher) et de FIRE - abréviation de indépendance financière, retraite anticipée - sont l'objectif et le mantra.

Certains, comme Basista et Stonestreet, considèrent leur départ des États-Unis comme la première étape d'un projet à long terme qui les mènera à une retraite à l'étranger. D'autres adoptent un mode de vie nomade numérique : un mode de vie flexible qui leur permet de voyager tout en complétant leurs revenus par le télétravail.

Il n'existe pas de statistiques précises sur le nombre d'Américains ayant déménagé à l'étranger, mais en 2023, près de 161 millions de passeports américains étaient en circulation, soit près de la moitié de la population américaine. Auparavant, seuls 10 % des Américains possédaient un passeport. Le Département d'État américain estimait qu'en 2020, 9 millions d'Américains vivaient à l'étranger, y compris les binationaux nés et élevés à l'étranger. En 2010, ce nombre n'était que de 5 millions.

Un récent sondage de l'Université de Monmouth a révélé qu'environ 33 % des Américains souhaitaient s'installer à l'étranger. En 1995, dans la même enquête Gallup, ils n'étaient que 12 % à le faire. Une enquête InterNation de 2023 menée auprès de 12 000 expatriés de 172 pays a révélé que les États-Unis étaient le pays d'origine comptant la plus forte proportion d'expatriés.

Ceux qui subissent la pression des factures élevées ne sont pas surpris de se tourner vers l'étranger. Le Bureau of Labor Statistics indique que les dépenses mensuelles médianes des ménages aux États-Unis passeront de 5 100 $ en 2020 à plus de 6 000 $ en 2022. Selon une nouvelle enquête de la Financial Technology Association, 61 % des travailleurs américains déclarent dépenser chaque centime gagné.

Bien que bénéficiant d’un niveau de bien-être matériel plus élevé que la plupart des autres pays, les États-Unis sont à la traîne par rapport aux pays occidentaux sur plusieurs indicateurs de qualité de vie : les Américains travaillent plus, prennent moins de vacances, dépensent plus en soins de santé et meurent plus tôt que les habitants d’autres économies à revenu élevé.

Ces facteurs pourraient expliquer pourquoi certains Américains s'installent dans des pays perçus comme ayant un coût de la vie moins élevé. Les données du cabinet de recrutement international Deel montrent que le Royaume-Uni, l'Allemagne, le Canada et la France figurent parmi les sept principales destinations internationales des chercheurs d'emploi américains.

Dans les pays dotés d’un système de santé universel, de services de garde d’enfants subventionnés par l’État et d’une culture qui encourage un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie privée, la valeur du dollar pourrait augmenter.

Maliya Fale, 22 ans, originaire de Minneapolis, dans le Minnesota, est une nomade numérique et créatrice de contenu qui voyage en Amérique latine depuis près de trois ans. En février de cette année, elle a définitivement quitté les États-Unis.

En mars, elle est arrivée dans la ville côtière de Puerto Morelos, au Mexique, et prépare son avenir. Vivre à l'étranger offre une flexibilité que les États-Unis ne peuvent pas offrir.

Ceux qui ont quitté les États-Unis par un chemin similaire affirment ne jamais regretter le passé. En novembre 2015, l'écrivaine Cristina Johnson a fait ses valises et a pris un vol aller simple de Pennsylvanie à destination du Belize, un pays d'Amérique centrale.

L'écrivaine de 53 ans souffre d'un handicap qui l'empêche de gagner sa vie aux États-Unis. Au Belize, ses dépenses mensuelles ne s'élèvent qu'à 250 dollars. Là-bas, Johnson a pu construire une maison, économiser des milliers de dollars et gagner environ 1 200 dollars par mois en écrivant du contenu marketing.

« Même si j’économisais un million de dollars, cela ne vaudrait pas les avantages mentaux, émotionnels et physiques que j’ai obtenus ici », a-t-elle déclaré.

Mariana et Dustin Lange ont fondé Mexico Relocation Guide en 2019 pour capitaliser sur la tendance croissante des personnes à quitter les États-Unis. Mariana affirme que l'entreprise ne prône pas l'idée que les gens « vivent comme des rois avec très peu d'argent », car ce n'est pas le cas. Pourtant, quitter les États-Unis permet d'avoir une meilleure qualité de vie pour le même montant, voire moins.

Depuis que le confinement lié à la pandémie a été assoupli, l'entreprise familiale Lange est en plein essor.

Mark Zoril, fondateur de PlanVision, cabinet de planification financière basé en Caroline du Nord, a commencé à travailler avec des clients souhaitant s'installer à l'étranger il y a huit ou neuf ans. Son entreprise les aide à gérer leurs actifs transfrontaliers et à épargner pour leur avenir tout en vivant à l'étranger.

Zoril a déclaré que la plupart de ses clients envisagent de rester à l'étranger indéfiniment, en grande partie en raison du coût élevé du retour. L'Amérique centrale, le Portugal et l'Espagne sont des destinations particulièrement prisées en raison de leur coût de la vie relativement bas et de leur climat doux.

Quitter les États-Unis n'est pas toujours une bonne chose. La baisse du coût de la vie s'accompagne souvent d'une baisse des revenus, ce qui peut compromettre les chances de retour de certains. Les différences culturelles et les barrières linguistiques ajoutent aux complications et au risque d'aliénation.

D'autres destinations d'expatriation présentent leurs propres défis. En pleine période de troubles politiques en Équateur, Stonestreet et Basista ont déménagé en Europe pour adopter un mode de vie semi-nomade et « slow travel ».

Cependant, ils ne regrettent pas d'avoir quitté l'Amérique. Leur seul regret est de ne pas l'avoir fait plus tôt.

Trois ans après avoir quitté les États-Unis, le couple avait remboursé 60 000 dollars de dettes à la consommation et doublé son épargne-retraite. De retour aux États-Unis, ils n'auraient jamais imaginé pouvoir prendre leur retraite.

« Nous pensons pouvoir travailler jusqu'à l'épuisement, mais la vie est courte. On ne sait jamais de quoi demain sera fait », a déclaré Stonestreet.

Nhat Minh (selon BI )

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