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| Le président Erdogan ne craint pas les difficultés économiques grâce au « mariage pragmatique » entre la Russie et la Turquie. (Source : Getty Images) |
En remportant ce qui est considéré comme l'élection la plus importante des 100 ans d'histoire moderne du pays, le dirigeant turc au pouvoir depuis le plus longtemps a également surmonté la pire crise économique du pays depuis une génération et la coalition d'opposition la plus forte, en route vers la victoire de son élection la plus difficile.
Le secret de l'équilibre à Ankara
Le « mariage » favorable de la Turquie avec la Russie a donné au président Recep Tayyip Erdogan ce dont il avait besoin pour remporter les récentes élections, affirment les observateurs.
L’économie turque en difficulté bénéficie d’un retard dans les paiements des importations d’énergie en provenance de Russie, un facteur clé pour aider M. Erdogan à tenir ses promesses de campagne.
La Russie est aujourd'hui l'une des principales sources de ressources humaines et financières pour l'économie turque. Au cours de l'année écoulée, de nombreux Russes venus en Turquie ont acheté des biens immobiliers, placé leur argent hors de l'économie soumise aux sanctions de Moscou ou créé des entreprises. Rien que l'année dernière, les Russes ont créé 1 363 nouvelles entreprises en Turquie.
Dans une certaine mesure, l'afflux de nouveaux arrivants russes a – du moins temporairement – transformé le visage de villes turques comme Istanbul et Antalya. Les loyers ont grimpé en flèche, les cafés sont bondés et même les panneaux d'affichage sont parfois écrits en cyrillique. Et surtout, les prix du gaz naturel sont restés bas.
Pour la Turquie, maintenir, voire approfondir, ses liens avec la Russie tout en restant un membre actif de l'OTAN est un exercice d'équilibre difficile mais nécessaire. Et c'est sa maîtrise de l'équilibre entre la Russie et l'Occident qui rend Ankara si importante, quel que soit son camp.
La Turquie est coincée entre l'Iran et l'Occident, partage une frontière terrestre avec la Syrie, contrôle l'unique débouché sur la mer Noire et partage des frontières maritimes avec l'Ukraine et la Russie. Depuis le début du conflit russo-ukrainien, Ankara a cherché à soutenir à la fois l'effort militaire ukrainien – qui ne change rien à la donne – et l'économie russe, sous le coup d'une série de sanctions occidentales étouffantes.
Sur sa côte nord, la Turquie tente de négocier un accord de transit de céréales pour permettre aux produits agricoles ukrainiens de quitter ses ports de la mer Noire. De l'autre côté, Ankara augmente ses achats de gaz et de pétrole russes, aidant ainsi Moscou à amortir l'impact des sanctions occidentales.
Pour le président turc Recep Tayyip Erdogan, la position médiane est devenue « un compromis » né d’une nécessité géopolitique , politique et économique, qui l’a aidé à surmonter l’élection la plus difficile qu’il ait jamais eue personnellement.
Gagnant-gagnant entre la Russie et la Turquie
« La Russie et la Turquie sont un mariage de convenance », a déclaré Alper Coskun, chercheur principal à la Fondation pour la paix internationale. Ce n'est certes pas un mariage facile, cependant.
Sans parler de la question politique, juste de l'aspect économique. Surtout depuis le lancement d'une opération militaire spéciale en Ukraine, la Russie a soutenu l'économie turque par d'importants flux de capitaux, fermant même les yeux sur le soutien militaire « limité » d'Ankara à Kiev. Les deux pays négocient actuellement une éventuelle baisse des prix du gaz, et Ankara a demandé à la Russie de reporter ses paiements gaziers jusqu'en 2024 – lui fournissant au moins un soutien économique temporaire.
Bien sûr, il s'agit d'une relation à double sens. Pour le Kremlin, isolé par les sanctions occidentales, la Turquie est devenue un refuge financier. L'an dernier, les échanges commerciaux entre les deux pays ont été estimés à 70 milliards de dollars, la Turquie étant l'un des principaux partenaires commerciaux de la Russie.
Dans le même temps, des centaines d'entreprises occidentales cherchent à contourner les sanctions en ouvrant des bureaux en Turquie pour continuer à commercer avec la Russie, a rapporté le Hurriyet Daily News .
« Bien qu’Erdogan n’ait pas toujours été un partenaire fiable pour Moscou, le président Poutine a peu de meilleures options pour le moment », a commenté le Hurriyet Daily News .
Pour la Turquie, le pragmatisme est également un facteur déterminant dans ses choix. Géographiquement et militairement, la Turquie fait partie du bloc occidental et est un allié clé de l'Occident, mais économiquement, elle n'a d'autre choix que de coopérer avec la Russie. « Si la Russie coupe l'approvisionnement en gaz de la Turquie, ce sera un désastre », a déclaré Kerim Has, expert indépendant de la Russie à Moscou.
« De même, si l’économie turque s’effondre, les banques européennes seront également dévastées car elles subiront des pertes dues aux énormes prêts d’Ankara. »
Les experts affirment qu'à l'heure actuelle, malgré la persistance de nombreux problèmes politiques et économiques dans les relations russo-turques, le président Erdogan s'est adapté et a reconnu la Russie comme un partenaire important. Cependant, comme dans tout mariage, pragmatique ou non, personne ne peut prédire l'avenir, ni le président Recep Tayyip Erdogan ni son homologue russe, M. Poutine.
Le président Recep Tayyip Erdogan, fort de sa riche expérience en matière de gestion des crises, a remporté l'élection le 28 mai, prolongeant ainsi son mandat pour une troisième décennie.
Mais l'économie turque est en récession ; la livre turque a rapidement chuté et l'inflation annuelle a atteint 85 % l'an dernier. Capital Economics prévient que « le jour du jugement pour l'économie et les marchés financiers turcs pourrait être proche ». Les analystes affirment qu'il s'agit du test le plus immédiat pour Erdogan.
La dernière bonne nouvelle pour le président Erdogan est peut-être que la Banque mondiale (BM) et l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) viennent d’annoncer une augmentation de leurs prévisions de croissance pour l’économie turque en 2023, avec confiance dans le nouveau cabinet et le remaniement de son équipe économique.
En conséquence, dans le dernier rapport sur les Perspectives économiques mondiales, l'économie turque devrait croître de 3,2 % cette année, contre 2,7 % prévu en janvier. Parallèlement, l'OCDE prévoit une croissance de 3,6 % pour l'économie turque, contre 2,8 % prévu en mars, selon le dernier rapport sur les Perspectives économiques qui vient d'être publié. La Banque mondiale a également indiqué que malgré des vents contraires, l'économie turque est restée résiliente au premier trimestre et a continué de contribuer de manière significative à la croissance en Europe et en Asie centrale.
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