Le style et la décoration étaient sans commune mesure. Hormis les éventails panka suspendus au plafond, doucement balancés par une main invisible, le mobilier était presque identique à celui de la plupart des chambres utilisées pour les délibérations. La salle était d'un blanc immaculé, sans moulures, et ouverte au public par deux couloirs latéraux. Nombre de chambres possédaient certainement des locaux moins beaux.
Brise fraîche à travers le pont Binh Loi
J'ai assisté à l'une des réunions du conseil et je n'ai pas regretté mon après-midi. À vrai dire, la discussion n'était pas très intéressante. Ce jour-là, ils n'ont traité que de sujets futiles : plaintes, demandes de subventions et d'aides – et de nombreuses. Ils ont également discuté de nouvelles taxes, d'une augmentation de la taxe à l'exportation sur le riz, et la discussion s'est intensifiée. Mais cela n'a pas duré longtemps. Ils sont revenus aux plaintes.
Autour de la table en fer à cheval, les conseillers français en blanc étaient assis, entrecoupés de leurs collègues annamites en tuniques sombres, se détachant sur le tapis vert tels des dominos. Les autochtones, très sérieux, très disciplinés, déterminés à ne rien rater, même s'ils ne la comprenaient pas. Ce n'est qu'au moment du vote qu'un interprète les aida à saisir la situation, leur traduisant les conclusions du rapporteur.
Et, miraculeusement, aussi complexes que soient les conclusions, l'interprète parvint à les transmettre avec fluidité en appliquant la méthode du personnage intermédiaire du bourgeois gentilhomme, c'est-à-dire en réduisant l'information à trois ou quatre onomatopées, qui sonnaient comme Belmen et Marababa sahem, ce qui me convainquit que l'annamite possédait de nombreux attributs communs avec le turc, une langue peu verbale mais aux significations si nombreuses qu'il ne fallait pas les ignorer. Puis les membres du conseil indigène hochèrent solennellement la tête et la discussion passa à d'autres sujets.
Mais la particularité de ce concile, la chose essentielle qui nous a fait l'apprécier, c'était son égard simple, sans honte et manifestement très affectueux pour la fragilité humaine et la chaleur extrême des saisons changeantes.
Contrairement à ce qui se passe dans d’autres parlements, où l’atmosphère étouffante couvre souvent la voix des orateurs, ici les gens parlent ensemble… et profitent de rafraîchissements.
Devant chaque convive se trouvait une boisson de son choix, diluée avec des glaçons et de l'eau gazeuse. De temps à autre, des serveurs circulaient dans la salle, remplissant les verres et apportant cigares et cigarettes à ceux qui en avaient besoin.
Saïgon jour et nuit
En général, la ville est plutôt agréable, même si la vie y est fragmentée. Contrairement aux villes tropicales, où l'on se couche et se lève tôt, Saïgon veille tard et fait la grasse matinée. À 9 heures du matin, à l'exception des quartiers résidentiels et des abords du marché, les rues sont calmes et les portes sont verrouillées.
Seuls les Cha Chetty et les Chinois montraient des signes d'activité : les premiers squattaient des stalles d'environ un demi-mètre carré de large, installant les livres ; les seconds, composés de tailleurs, de cordonniers et de menuisiers, dans les rez-de-chaussée étroits, appelés ici « compartiments », commencèrent à travailler avec des machines à coudre, des poinçons et des rabots.
Ce n'est qu'à 9 ou 10 heures du matin que les costumes et uniformes blancs firent leur apparition rue Catinat. À 11 heures, les gens déjeunaient. Puis, de midi à 15 heures, les magasins fermaient à nouveau. C'était l'heure du déjeuner : les rues et les cafés étaient déserts, Saïgon était redevenue calme.
De 17 h à 19 h, les gens viennent souvent écouter de la musique ou participer à la tournée d'inspection. La musique est jouée, tantôt au Jardin botanique [aujourd'hui le Zoo], tantôt devant le club des officiers [aujourd'hui le siège du Comité populaire du 1er arrondissement], sur l'avenue Norodom [aujourd'hui la rue Le Duan], non loin de la statue de bronze de Gambetta. [...]
Les provinciaux appellent le « Tour d'inspection » un « tour de ville ». C'est un agréable voyage de 10 kilomètres sur des routes panoramiques incomparables qui traversent des canaux animés, longent des rizières vallonnées et des cocotiers ondulants. La circulation est joyeuse et animée, des calèches victoriennes transportant des dames soignées et des messieurs élégants aux humbles taxis bruyants.
Sur les routes, cavaliers et cyclistes s'affrontent à toute vitesse. Mais, bien que le cyclisme soit très populaire ici, il n'est pas encore un sport très prisé.
Quatre fois par semaine, de neuf heures à minuit, seules Saïgon et Batavia disposaient de théâtres parmi toutes les villes des Indes orientales et d'Extrême-Orient. La salle était agencée de la même manière. Le bâtiment se trouvait au milieu d'une place, à l'ombre des arbres, et pouvait accueillir mille spectateurs, ce qui était largement suffisant. La décoration intérieure était simple mais élégante, et la salle était conçue pour s'adapter au climat. Les loges étaient séparées de la terrasse donnant sur le jardin par des cloisons basses pour assurer la ventilation. Dans ces conditions, les pièces étaient moins horrifiques et les opérettes moins tragiques. (suite)
Nguyen Quang Dieu extrait du livre Around Asia: Cochinchina, Central Vietnam, and Bac Ky, traduit par Hoang Thi Hang et Bui Thi He, AlphaBooks - National Archives Center I et Dan Tri Publishing House publié en juillet 2024
Source : https://thanhnien.vn/du-ky-viet-nam-mot-phien-hop-cua-hoi-dong-thuoc-dia-185241204223959157.htm
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