L’Europe pourrait être laissée pour compte dans la course à la fabrication de batteries en raison de la concurrence américaine imprévue et de la hausse des coûts des matières premières.
Le rapport d'audit intitulé « Nécessité d'un nouvel élan stratégique » de la Cour des comptes européenne (CCE) vient de conclure que « l'UE risque de prendre du retard dans ses efforts pour devenir un géant mondial des batteries ».
Annemie Turtelboom, qui a dirigé l'audit, a déclaré que sans action, l'Europe risque d'être contrainte de reporter son interdiction des véhicules à moteur à combustion interne au-delà de 2035, ou de continuer à la mettre en œuvre et de dépendre fortement de la Chine, qui produit 76 % des batteries mondiales.
« L'UE ne doit pas devenir aussi dépendante des batteries qu'elle l'est du gaz naturel », a-t-il déclaré. Selon les auteurs de l'étude, il ne s'agit pas seulement d'une question de souveraineté économique.
Dès 2008, l'UE a perçu le risque de dépendre de batteries provenant de pays tiers. En 2017, elle a donc prévu de créer une alliance pour les batteries. En 2018, le plan d'action était défini. Depuis, la Commission européenne le met en œuvre et des projets se multiplient à travers l'Europe. L'UE s'inquiète même de la surproduction de batteries.
Une usine de batteries pour véhicules électriques en construction à Douvrin, en France, le 13 février 2023. Photo : REA
Le rapport souligne également que la capacité de production de batteries de l'UE augmente rapidement, avec un potentiel de croissance de 44 GWh en 2020 à 1 200 GWh d'ici 2030. Cela suffit pour répondre à la demande à partir de 2025 et équiper 16 millions de véhicules par an d'ici 2030, soit plus que le nombre record de véhicules immatriculés dans le bloc avant la Covid-19.
Mais tout cela n'est qu'une hypothèse. Les auditeurs sont très sceptiques quant à la mise en œuvre effective des projets annoncés et pointent du doigt une série d'obstacles majeurs.
Le premier est la complexité des subventions. Elles sont jugées difficiles à interpréter et le délai d'attente est trop long. Mais cela reste le défi le plus facile à relever. Le second est la rapidité avec laquelle le monde évolue, et l'Europe a mis du temps à s'adapter. L'ensemble du plan d'action de l'UE pour les batteries a été élaboré à une époque où l'énergie était abordable et n'a pas pris en compte les risques qui pourraient s'accroître.
Cependant, les tarifs de l'énergie ont augmenté de 60 % au premier semestre 2022, pénalisant certains projets, et il n'existe aucun dispositif financier pour y remédier. Parallèlement, d'autres pays réagissent rapidement. La loi américaine sur la réduction de l'inflation (IRA), adoptée en août 2022, subventionne les batteries « Made in USA » à hauteur de 45 dollars par kWh et de 10 % du coût de production des minéraux et matériaux critiques. À ce jour, l'UE a octroyé 1,7 milliard d'euros de subventions, auxquels s'ajoutent 6 milliards d'euros versés par les pays dans le cadre des programmes de projets importants d'intérêt européen commun (PIIEC).
Troisièmement, le principal défi soulevé par la Cour des comptes européenne est l'accès aux matières premières, bien que ce soit devenu une priorité pour la Commission cette année. Malgré les négociations en cours et la signature de partenariats stratégiques avec plusieurs pays, l'UE n'a toujours pas conclu d'accords de libre-échange avec les plus grands producteurs mondiaux de matières premières ou raffinées pour batteries, notamment la Chine (graphite naturel brut, graphite naturel, cobalt raffiné, lithium, nickel), la République démocratique du Congo (cobalt brut) et l'Australie (lithium brut).
L'UE manque également d'une vision claire de ses besoins. L'évaluation des matières premières critiques par la Commission européenne – mise à jour cette année – est encore incomplète concernant la demande de cobalt brut, de lithium brut et de graphite naturel raffiné, et n'inclut pas la production de matériaux transformés (anodes et cathodes), selon le rapport.
La forte hausse des prix de toutes ces matières premières, conjuguée à celle des prix de l'énergie, suscite une réelle inquiétude. Fin 2020, le coût estimé d'une batterie produite en Europe était deux fois supérieur à celui d'une voiture électrique low cost. La Cour des comptes européenne s'interroge sur la compétitivité de l'industrie des batteries. C'est une véritable question pour la politique européenne en la matière.
Phien An ( selon Le Monde )
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