Chaque fois que je me sens fatigué, je retourne dans la forêt pour sentir mon cœur fondre, s'adoucir au milieu d'émotions passionnées. Je suis le sentier sinueux qui semble incrusté de traces brun rougeâtre, marquées des empreintes de générations. La vieille femme porte un panier sur son dos, menant une vache à flanc de montagne, l'enfant pieds nus, les cheveux dorés par le soleil et le vent, la jeune fille sourit aussi éclatant qu'une fleur sauvage au soleil matinal. Ils bavardent pour m'indiquer le chemin vers la forêt, qui n'est pas loin. L'immensité sauvage s'étend juste derrière les paisibles maisons sur pilotis, exposées au soleil et à la rosée toute l'année. Mais la maison sur pilotis s'appuie contre les épaules imposantes et robustes de la forêt et vit depuis des générations.
La forêt, à la transition entre l'été et l'automne, est déjà d'une beauté étrange. Mais à chaque fois, j'ai l'impression de la découvrir pour la première fois, de l'admirer et de la contempler.
Les pas fatigués de la vie frottent contre la couche rugueuse de branches sèches et pourries. J'ai envie de m'y allonger, de coller mon oreille aux feuilles douces, d'écouter les mouvements des insectes, le chant des fourmis, celui des araignées qui tissent leurs toiles, celui des abeilles qui construisent leurs nids bruyants… Parfois, j'aperçois quelques cadavres de cigales d'ambre transparent se transformer en vie pour le sol forestier. La forêt est belle dans sa couche biologique sans nom et sans âge, dans ses couches de fleurs et de plantes rares et étranges, introuvables. Solennelle et pourtant douce. Majestueuse et pourtant paisible et poétique.
Illustration : Dao Tuan |
La saison change, l'été s'est écoulé sans dire adieu, la forêt accueille les doux rayons du soleil comme si elle tissait la couleur dorée des paillettes sur la canopée verte et passionnée, sous l'effet de milliers de rafales de vent. Il existe une multitude de fleurs sauvages aux couleurs variées, dont certaines, que je ne connais que maintenant, comme des clochettes rouge orangé poussant en grappes denses de la base à la cime, s'accrochant au tronc pour fleurir. Quand il y a du vent, les fleurs n'ont pas besoin de s'attendre les unes aux autres, mais font flotter leurs pétales librement, formant un tapis éclatant autour de leur base. La Thaïlandaise qui m'accompagnait bavardait :
- Mon peuple l'appelle fleur à pépins, cette fleur est belle et délicieuse aussi...
Les pentes des cassias, à la lisière de la forêt, s'inclinaient d'un blanc pur. De loin, les fleurs de cassia scintillaient comme recouvertes d'argent. Étaient-ce mes yeux éblouis ou la lumière du soleil qui les peignait d'une couleur si fragile et pourtant si passionnée ? Je me suis perdue dans les fleurs, je me suis perdue dans les arbres. Tel un amoureux sous les tiges de cassias d'un blanc argenté, lisses et imposantes, s'élevant vers le ciel bleu.
En cette saison, la forêt embaume, parfumée par le soleil et le vent, l'écorce des arbres, les fleurs et les feuilles. L'odeur du temps, entre pluie et soleil, l'odeur des origines, l'âme des gens nés ici. Depuis des générations, la forêt les protège de la pluie et des inondations.
Sous le mûrier, des grappes de fruits rouges ondulent comme du rouge à lèvres sur des lèvres pures. Je contemple en silence les villages paisibles et prospères qui bordent la douce rivière, reflétant l'arche verte majestueuse de la grande forêt. Je reconnais les notes du chant originel. Infini et sans limites.
Puis, le travail acharné rendait mes interactions avec la forêt de plus en plus rares. Les rares fois où j'y retournais, mon cœur se serrait, la tristesse persistait, le regret s'exhalait dans un profond soupir. Le manteau vert de la grande forêt n'était plus souple dans sa danse originelle, mais déchiré comme s'il avait été déchiré et griffé par une main impassible. Je ne pouvais détacher mon regard des collines dénudées où se dressaient encore les arbres solitaires. Quelques racines étaient arrachées du sol, quelques animaux sauvages sursautaient à la vue de silhouettes humaines…
Peut-être la forêt souffrait-elle terriblement, mais ne pouvait-elle pas pleurer. Elle ne pouvait qu'endurer en silence, sans avoir le cœur à blâmer, à blâmer ou à se plaindre. Ce silence muet, profondément tourmentant, semait la peur qu'un jour, les montagnes verdoyantes, les eaux bleues et les pentes verdoyantes subsisteraient encore dans le monde de l'existence.
Soudain, un jour, la grande inondation, telle une bête sauvage affamée, déversa sa colère, emportant et submergeant tout. Ce cauchemar terrifiant hantait l'inconscient de nombreux êtres nés dans la forêt et sur le point d'y retourner. Au milieu du flot rouge et tourbillonnant, au milieu du vent hurlant, les cris déchirants étaient les soupirs impuissants de la grande forêt.
Je me suis soudain souvenu de la forêt de mon enfance. Je me suis souvenu du chant des geckos, du chant des cerfs annonçant la saison des pluies. Je me suis souvenu de la pluie soudaine dans la forêt, de la nécessité de me baisser pour pénétrer dans la voûte des feuilles de giang tissées par les mains expertes de Mère Nature. Chaque après-midi, ma grand-mère tournait souvent la tête vers l'ombre sombre de la forêt, d'un regard pensif et affectueux. Le jour où ma grand-mère est revenue sur terre, mes parents ont choisi un coin vide au pied de la montagne pour qu'elle puisse dormir, près des buissons sauvages qui chantaient des berceuses toute l'année…
Je ne sais combien de saisons des pluies et des inondations ont traversé mon pauvre pays. Quand le vent hurle, les arbres du jardin tombent, l'eau jaune du ruisseau déborde de la route. Les enfants s'embrassent et regardent vers la forêt, attendant son étreinte et sa protection. La forêt de l'ego se dresse fièrement, protégeant la terre, la patrie et gardant l'âme vivante.
Souvenirs et présent s'entremêlent, déferlant en moi comme des vagues cachées. Je me réveille soudain et réalise que la fureur de la nature s'apaise peu à peu, que la rivière se met à refléter à nouveau ses arches vertes.
La forêt murmure son propre langage, mais chacun peut sûrement l'entendre aussi clairement que s'il entendait les battements de son cœur. Ces murmures se sont condensés en un chant qui a semé en moi le désir d'un lendemain, où les blessures de la forêt se raviveront. D'innombrables graines, d'innombrables jeunes pousses germeront lentement de cette couche de terre désolée. Une soif de vie…
Source : https://baothainguyen.vn/van-nghe-thai-nguyen/202508/khuc-ca-tu-dai-ngan-1433ae8/
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