
Couleurs du métier à tisser
Par ces jours de mi-automne, la brume flotte telle une fumée sur le toit de la maison sur pilotis. Dans un coin de la maison, près du métier à tisser, les jeunes Thaïlandaises des provinces du Nord-Ouest comme Dien Bien , Lai Chau et Son La sont encore absorbées par chaque aiguille et chaque fil. Le craquement de la navette se mêle au murmure du ruisseau à l'extérieur, créant une mélodie rythmée, évoquant la vie paisible du village Muong. L'écharpe Pieu est confectionnée à partir de fils de coton blanc pur, filés, teints, tissés en bandes de tissu lisses, puis brodés de motifs éclatants.
Dans chaque village, selon la région, selon le groupe ethnique des Thaïs Noirs ou Blancs, l'écharpe Pieu possède une façon différente de se broder et de se plier. Mais où qu'elle soit, elle dégage une beauté à la fois pure et éclatante, telle l'âme d'une fille de la montagne. Pour les Thaïlandais, savoir broder une écharpe Pieu est une étape importante dans la vie d'une jeune fille. Dès l'âge de 13-14 ans, les filles apprennent par leurs mères et leurs sœurs à choisir le fil, le tissu extensible et à broder les motifs. Au début, ce ne sont que de simples lignes, mais peu à peu, leurs mains deviennent habiles, les points sont doux, les motifs symétriques et délicats. L'écharpe Pieu a généralement un fond noir ou indigo, symbole de loyauté et de constance. Sur ce fond, les Thaïlandais brodent des motifs d'oiseaux, de fleurs de ban, de fleurs de pêcher, de losanges… Chaque point de broderie est une histoire. Le motif d'oiseau représente le désir de liberté, les fleurs de ban blanches promettent le printemps, et le losange symbolise la chaleur et la prospérité. Les couleurs des fils à broder sont également délicatement coordonnées : rouge vif comme l'amour passionné, vert comme la jeune vie, jaune doré comme le soleil d'automne...
Broder un foulard Piêu, c'est non seulement apprendre un métier, mais aussi apprendre la patience, la minutie et le soin, des qualités que les Thaïlandaises apprécient chez les femmes. Pour réaliser un foulard Piêu complet, réalisé à la main, les Thaïlandaises doivent consacrer 3 à 4 semaines à la broderie. La broderie est très élaborée et se concentre uniquement sur les décorations brodées aux deux extrémités. Lorsqu'elles brodent divers motifs aux deux extrémités, elles observent le modèle, sans le copier mécaniquement. Pendant le processus de broderie, la brodeuse peut créer des motifs selon ses préférences. Chaque fois qu'elles brodent, les jeunes filles écoutent leurs grands-mères et leurs mères leur raconter des contes de fées, des chants thaïlandais et des conseils de morale. Il y a des soirs, sous la faible lumière d'une lampe à huile, où le bruit de l'aiguille de leur mère brodant sur le tissu se mêle à la douce voix thaïlandaise : « Je brode des fleurs blanches ban / Pour envoyer à quelqu'un dans les montagnes lointaines / Le fil à broder n'a pas encore été rangé / Mais mon cœur est déjà rentré… ». Ces paroles simples pénètrent l'âme des jeunes filles à chaque point, de sorte que plus tard, lorsqu'elles confectionnent de leurs propres mains des foulards Piêu et les envoient à leurs proches, elles leur transmettent aussi un souvenir chaleureux.
Foulard Pieu et amour
Dans la vie des Thaïlandais, le foulard Piêu est associé aux belles histoires d'amour. Lors des marchés de printemps ou des fêtes de village, les jeunes hommes le contemplent souvent pour deviner le talent, le goût esthétique et même les pensées de la jeune fille. Un foulard Piêu délicatement brodé et aux couleurs harmonieuses attirera tous les regards.
Selon les croyances thaïlandaises, si une fille ne sait pas broder un foulard Piêu, elle est considérée comme paresseuse et passe inaperçue auprès des garçons. C'est pourquoi, aujourd'hui, dans de nombreux villages thaïlandais, après l'école, les mères apprennent aux petites filles à broder avec chaque aiguille et chaque fil, ou à pratiquer des danses imprégnées d'identité traditionnelle.

Les femmes thaïlandaises sont toujours attachées au foulard Pieu. Photo : Thuy Le
Par ailleurs, les Thaïlandais ont pour coutume d'offrir des foulards Pieu à l'être aimé. Lorsque l'amour est mûr, la jeune fille tisse et brode elle-même un nouveau foulard Pieu et l'envoie au jeune homme en guise de promesse. Ce foulard est non seulement un cadeau, mais aussi une « lettre d'amour » en fil à broder, chaque point étant un message d'amour, chaque motif un désir. La légende raconte qu'à Muong Then vivait une belle jeune fille nommée Xom, la meilleure brodeuse de la région. Xom tomba amoureuse de Lo Van Pinh, un jeune homme doué pour la chasse et le chant. Le jour où Pinh partit chasser longtemps en forêt, Xom resta à la maison et tissa un foulard Pieu, brodant un couple d'oiseaux aux ailes imbriquées. À son retour, elle lui offrit le foulard en lui disant doucement : « Ce foulard te garde au chaud, et mon cœur te garde au chaud. » Ce foulard accompagnait Pinh dans chacun de ses voyages, et le jour de son mariage, il le porta sur sa tête en signe de fidélité.
Le foulard Pieu est également associé à la vie des Thaïlandais à travers de nombreux rituels. Lors des mariages, les mariées thaïlandaises le portent souvent, à la fois comme élément de leur costume traditionnel et comme symbole de diligence et d'ingéniosité. Lors des funérailles, les femmes utilisent également le foulard Pieu pour dire adieu à leurs proches, témoignant ainsi leur amour et leur attachement à l' au-delà . Pendant le Têt, les fêtes de Xen Ban et de Xen Muong, le foulard Pieu apparaît sur des robes de brocart colorées. L'image de jeunes Thaïlandaises timides dansant le xoe, la tête enveloppée dans un foulard Pieu, tenant une jarre d'alcool de riz à offrir aux invités, est restée gravée dans la mémoire de tous ceux qui ont visité ce pays.
Aujourd'hui, face à la modernisation, le foulard Pieu conserve une place particulière. Dans de nombreux endroits, les Thaïlandais l'ont exporté hors des villages, l'introduisant dans les salons touristiques et les concours de costumes nationaux. Des créateurs ont créé et intégré le motif du foulard Pieu à des ao dai, des robes modernes, des sacs à main, des foulards, etc., contribuant ainsi à sa pénétration dans la vie urbaine tout en préservant son esprit traditionnel. Dans de nombreux villages, des cours de tissage de brocart et de broderie de foulards Pieu ont repris, attirant non seulement les jeunes femmes, mais aussi les touristes désireux de s'y essayer. Les personnes âgées sont heureuses de voir cet artisanat ancestral renaître, tandis que les jeunes sont plus fiers de comprendre la valeur culturelle de ce foulard qu'ils considéraient autrefois comme un « objet familier ». Aujourd'hui, les foulards Pieu ne sont plus seulement des bijoux, mais aussi des produits touristiques et des souvenirs que les visiteurs du monde entier chérissent. Mais quelle que soit leur forme, ils restent le fil invisible reliant le présent au passé, reliant l'enfant loin de chez lui à son village bien-aimé.
L'écharpe Pieu du peuple thaïlandais n'est pas seulement un produit artisanal, mais aussi un symbole culturel, un trésor spirituel. Elle préserve l'histoire des mains expertes, de l'amour et de la foi des Muong à travers les générations. Dans le cercle xoe du festival, dans le sourire timide d'une jeune fille, dans le regard affectueux d'un jeune homme, dans les bénédictions des parents… l'écharpe Pieu est toujours là, tel un fil solide reliant le passé, le présent et l'avenir. Et quels que soient les changements de la vie, la couleur du fil et la broderie de cette écharpe raconteront toujours l'histoire d'une nation qui aime la beauté, aime la vie et préserve l'âme des montagnes et des forêts du Nord-Ouest.
Source : https://baolaocai.vn/chiec-khan-pieu-hay-net-duyen-va-ve-dep-tam-hon-dan-toc-thai-post880656.html
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