La rivière Nhenh est un bras de la rivière Cai. En saison sèche, elle ne mesure que quelques dizaines de mètres de large, son débit est lent et son eau claire. En saison des crues, elle atteint des centaines de mètres de haut, devient boueuse et gronde. Les gens qui la traversent utilisent une embarcation en bambou, semblable à une demi-prune géante fendue dans le sens de la longueur, manœuvrée par M. Bo et son fils. Les bateliers sont honnêtes : qu'importe la tempête, de jour comme de nuit, ils servent avec enthousiasme quiconque demande une embarcation. Pour faciliter le transport, M. Bo a demandé à la commune un terrain le long de la rivière afin d'y construire une maison au toit de chaume pour abriter sa famille. Le mari rame, la femme s'occupe du jardin autour de la maison et vend le surplus pour contribuer aux dépenses familiales. La « fille chérie », comme l'appelle M. Bo, suivait ses amis à l'école lorsqu'elle était petite, et en grandissant, elle a suivi la carrière de M. Bo. La vie est paisible comme la rivière qui a toujours coulé vers la rivière mère.
Une nuit, pendant la saison des crues, la rivière grondait et bruissait. Il pleuvait. Alors qu'il somnolait, un appel frénétique au passeur retentit de l'autre côté. M. Bo se leva, enfila un imperméable, enfila un chapeau de paille, prit une lampe tempête et traversa à la rame. Sur la rive, un homme d'âge moyen vêtu d'une veste en toile l'attendait. En descendant du bateau, il annonça qu'il devait livrer une dépêche urgente à la commune. Le feu de signalisation à l'avant du bateau était faible sous la pluie. Il restait encore une dizaine de mètres jusqu'au quai. Craquement ! Un arbre s'écrasa sur le côté du bateau, le faisant tanguer et chavirer, projetant deux personnes dans la rivière. Connaissant bien le fleuve, M. Bo se jeta à la poursuite du passeur, attrapa sa veste en toile et le tira jusqu'à la rive. Il fit quelques mouvements respiratoires pour évacuer l'eau du corps du passeur, puis l'aida à remonter jusqu'à la maison. Après la panique, le passeur ouvrit les yeux et regarda autour de lui. M. Bo a donné ses vêtements au répartiteur pour qu'il se change. Il a demandé au messager de se reposer et de se calmer, et lui a donné le document à remettre au président de la commune. Il a demandé à sa femme de préparer du porridge pour que le messager puisse manger afin de rester éveillé, puis a pris une lampe de poche et s'est précipité dehors dans la nuit pluvieuse.
Le lendemain matin, le coursier retourna au district. Après avoir dit au revoir à la personne qui l'avait sauvé, il promit de lui rendre les vêtements qu'il portait et lui demanda de garder les vêtements mouillés de la nuit précédente. Un an, deux ans… le coursier ne revint pas. De temps en temps, M. Bo sortait les vêtements du coursier pour les examiner. À chaque fois, il lui reprochait en silence son manque de cœur. Les objets étaient toujours là, mais pourquoi la personne manquait-elle toujours ? L'histoire du sauvetage du coursier était également tombée dans l'oubli.
Il avait plus de soixante ans, n'étant plus assez fort pour ramer pendant la saison des pluies. Il confia la rame à sa fille. Le bateau continua sa route entre les deux rives. Un soir, un appel retentit de la rive. Ben, le nom de sa fille, enfila rapidement son chapeau et monta à bord. Celui qui traversait était un jeune homme. Le bateau glissait légèrement sur l'eau, reflétant le soleil étincelant du dernier jour. Assis à la proue, le jeune homme observait la batelière. Son image était profondément gravée dans l'espace crépusculaire. Son corps s'étirait en avant, se penchait en arrière, poussant la rame avec élégance et rythme pour faire jaillir l'eau, faisant traverser le fleuve. Son chapeau blanc était rejeté en arrière, laissant ses cheveux encadrer son visage ovale, bronzé par le soleil et le vent. Son corps était mince et fort. Sa poitrine généreuse était charnue dans une simple chemise acajou. Son pantalon de soie noire moulait ses cuisses puissantes tandis qu'elle ramait.
Le jeune homme était captivé. Quelle beauté ! Si seulement il avait un appareil photo ! Il fut stupéfait lorsque le bateau atteignit le rivage. Demandant où se trouvait M. Bo, la batelière l'accompagna chez elle. Au premier coup d'œil, M. Bo fut surpris : pourquoi ce jeune homme ressemblait-il autant au messager d'autrefois ? Grâce à l'histoire, il apprit que le jeune homme s'appelait Hoat, ingénieur des ponts, fils du messager d'autrefois. Son père lui raconta comment Hoat l'avait sauvé la nuit pour lui remettre des documents urgents. Il lui avait promis de l'emmener rendre visite à sa famille dès qu'il en aurait l'occasion. Avant qu'il ne puisse le faire, il mourut en livrant des documents importants à la défense aérienne, sous les bombardements américains. Hoat, quant à lui, était occupé à restaurer les ponts et les routes après la guerre, puis à moderniser et à construire de nouveaux ponts. Il avait donc l'occasion de réaliser le vœu de son père : venir ici pour remercier et rendre hommage à celui qui l'avait sauvé.
Hoat ouvrit le sac et en sortit les vêtements que M. Bo avait donnés à son père pour se changer ce soir-là. M. Bo prit les vêtements du coursier, qu'il avait gardés longtemps. Les deux ensembles furent placés côte à côte en signe de gratitude et de confiance. M. Bo était triste et regrettait d'avoir eu des pensées déplacées envers le défunt. Il déposa les vêtements du coursier sur l'autel, alluma de l'encens, joignit les mains et murmura une prière. Voyant cela, Hoat et Ben l'imitèrent. Dans la fumée parfumée et fragile de l'encens, venue d'un monde vague, M. Bo vit le coursier lui serrer doucement la main, le remerciant et lui demandant d'aider le jeune couple à se marier. Hoat vit son père, portant sur son épaule un grand sac en toile contenant toutes sortes de documents et de lettres, sortir, le regardant comme s'il voulait dire quelque chose, mais Hoat ne l'entendit pas, ressentant seulement une chaleur intérieure d'avoir fait ce que son père voulait. Soudain, la main de Hoat sembla commandée par une force surnaturelle, saisissant celle de Ben. Un courant électrique parcourut le corps de Hoat. Il regarda Ben. Sa main était toujours dans celle de Hoat, son corps léger et hébété. Un instant de réflexion passa, puis tous trois revinrent à la réalité. M. et Mme Bo regardèrent leur fille, puis Hoat. Leurs cœurs semblaient refléter l'harmonie émotionnelle qui régnait entre les deux jeunes gens. Leur sincérité était telle que Hoat était une parente de retour de loin…
La nuit tomba et Ben emmena Hoat jusqu'au bateau ancré sur la rivière. La pleine lune brillait sur l'eau scintillante. Ils restèrent assis à se regarder, ne sachant par où commencer l'histoire. Soudain, un poisson sauta pour jouer avec la lune, puis retomba, faisant onduler l'eau en cercles concentriques. Ben cria :
- Monsieur Hoat, les poissons sautent !
Hoat saisit la main de Ben. Un courant d'air le parcourut. Il trembla :
- Ben ! Tu as un petit ami ?
- T'es tellement bête ! Tu as une copine et je t'ai invité à sortir ? Dis quelque chose !
- Je veux juste te regarder. S'il y a une dame dans le ciel, il y en a une autre sur cette rive. La dame là-haut appartient à tout le monde, mais celle d'en bas, je veux la garder pour moi !
- Tu parles comme si tu lisais de la poésie. À l'école, je restais assis à écouter le professeur lire de la poésie, oubliant de prendre des notes. Aimes-tu la poésie ?
Je suis plutôt technique et je ne comprends pas grand-chose à la poésie, mais j'aime ça. Quand je suis triste, je fredonne quelques vers pour me remonter le moral !
- Lis-le-moi un jour !
- C'était une période triste ! Mais maintenant je suis heureuse, car j'ai Mme Hang à mes côtés !
Hoat entoura Ben de ses bras et le serra contre lui. Pour la première fois de sa vie, il serrait le corps doux et chaud d'une fille. La fièvre de l'amour et du désir le secouait. Il avait envie d'allonger Ben sur le fond du bateau pour le regarder, le serrer dans ses bras. Ben sentait son corps onduler, désirant se fondre dans le corps de Hoat… Le bruit de M. Bo s'éclaircissant la gorge après sa visite réveilla le couple. Hoat retira ses mains de Ben, le regard toujours passionné :
- Demandons à nos parents la permission de nous marier !
- Attends une minute, c'est la première fois que nous nous rencontrons.
- Oh oui ! Je pensais qu'on était amoureux depuis longtemps !
- Tu es si intelligent !
Les deux mains de Ben entourèrent les joues de Hoat, qui posa ses lèvres sur les siennes. Trop surprise, Hoat n'eut pas le temps de réagir lorsque Ben se leva, marcha jusqu'au rivage et courut chez elle, laissant Hoat abasourdie sur le bateau, oscillant d'extase.
Hoat fit ses adieux à la famille de Ben en promettant d'emmener sa mère parler à M. et Mme Bo. Le ferry et le quai fluvial créèrent une histoire d'amour entre le charmant ingénieur du pont et la charmante passeuse. Une histoire d'amour aussi belle que la pleine lune. La coïncidence entre les deux pères fut comme un arrangement fatal pour les deux enfants. Le ferry de l'amour trouva un point d'amarrage et attendit.
Les travaux de Hoat sur les ponts routiers ne lui laissaient pas beaucoup de temps pour se soucier de son bonheur. Pour Hoat, les ponts reliant les deux rives de chaque rivière et ruisseau étaient aussi une source de bonheur. Dans la lettre à Ben, il racontait les endroits où il était allé construire des ponts, les nuits où Ben lui manquait, ses projets d'avenir…
Dans sa lettre à Hoat, Ben racontait l'histoire des changements survenus au village, son désir et son amour pour celui qui longeait les rivières pour construire des ponts reliant les rives et apporter de la joie sur les routes. Les mots de la lettre étaient empreints d'amour et d'encouragement mutuel pour patienter.
Chaque jour, au crépuscule, Ben aspirait à l'appel passionné du « Ferry ! » venant de l'autre côté de la rivière. Ben ne pouvait compter le nombre de personnes qu'elle avait transportées, les destins heureux et malheureux qu'elle avait traversés, mais le « Ferry ! » de cet après-midi-là était un souvenir déchirant. L'attente était aussi un défi. Anxieux, M. et Mme Bo prévinrent un jour leur fille : « Hoat est là aujourd'hui, qui sait où elle sera demain ? » Ben était certain que Hoat reviendrait. M. Bo, comme les gens, rêvait d'un pont sur la rivière. À ce moment-là, sa famille déménagerait au hameau de Bai pour vivre avec les villageois. Ben aurait un autre travail qui ne l'obligerait pas à travailler sous la pluie et le soleil, travaillant dur jour et nuit, surtout pendant la saison des pluies et des inondations, où le danger était toujours menaçant.
Le pont fut accordé, le vœu exaucé. Après plusieurs mois de relevés, machines, véhicules et ouvriers du pont affluèrent vers les rives animées. Des campements surgirent. Le bruit des motos résonna jour et nuit. Le ferry de Ben traversait encore patiemment le vieux quai, la vieille rivière, attendant le jour de l'inauguration du pont. Ces jours-ci, outre les habitants, les passagers du ferry étaient aussi les fonctionnaires et les ouvriers qui construisaient le pont.
À chaque passage du ferry, Ben demandait des nouvelles de Hoat, mais tous répondaient que Hoat était sur un autre chantier et qu'il viendrait plus tard. Ben prit une grande inspiration et soupira. Cela faisait longtemps qu'elle n'avait pas reçu de lettre de Hoat. L'inquiétude envahissait son humeur. La tristesse s'insinuait dans son sommeil, elle sanglotait et mouillait son oreiller de larmes.
Un soir, alors qu'elle sanglotait, elle entendit frapper à la porte :
- Ben, ouvre-moi la porte !
Hoat est vraiment de retour ! Fou de joie, Ben ouvrit la porte avec frénésie. Elle resta stupéfaite et serra Hoat dans ses bras.
M. Bo dit d'un ton boudeur :
- C'est toi, Hoat ? Je croyais que tu nous avais oubliés, mon père et moi !
- Papa, vraiment…! Laisse Hoat s'asseoir et boire de l'eau.
- Mon oncle ! Je suis désolé pour vous deux et pour Ben. J'étais tellement occupé par le travail que je n'ai pas pu venir vous voir, vous et mon frère.
Ben murmura :
- Ma mère est morte !
Activité de surprise :
- Je suis désolé ! Permettez-moi de brûler de l'encens pour m'excuser auprès de ma tante !
Hoat se rendit à l'autel pour brûler de l'encens, s'incliner et murmurer une prière. Il demanda pardon à M. Bo et raconta son travail à M. Bo et à son père.
Responsabilité:
- Pourquoi ne m'as-tu pas écrit depuis plus d'un an ? As-tu reçu mes lettres ? Ou as-tu quelqu'un d'autre ?
M. Bo a hésité :
- Pourquoi dis-tu ça !
Activité choquante :
- Je t'écris encore régulièrement, mais je n'ai reçu aucune lettre de toi. Je pensais que tu avais attendu trop longtemps, alors je...
- Je t'attends toujours !
Moi aussi!
M. Bo était stupéfait :
- Alors, où est passée la lettre ? Perdre une ou deux lettres, c'est bien, mais pourquoi en perd-on autant ? Ce n'était pas comme ça pendant la guerre !
Discours de soutien :
- C'est peut-être parce que je me déplace beaucoup pour le travail.
Il expliqua que pour apaiser la colère de M. Bo, toutes les lettres étaient adressées à son bureau et que, lorsqu'il était en déplacement professionnel, ses collègues les lui apportaient. Tandis qu'il se posait des questions, des gongs et des tambours retentirent dans le village. Un incendie se déclara dans une maison. Hoat tira Ben par la main et courut dans le village. Les gens crièrent : « La maison du facteur Tuan est en feu ! » Tout le monde se précipita pour éteindre le feu. Tuan, qui portait une boîte, sortit en courant de la maison, trébucha sur son pied et tomba face contre terre. La boîte lui échappa des mains, le couvercle s'ouvrit brusquement. Tout le contenu de la boîte fut dispersé. Une liasse de dizaines d'enveloppes en tomba. Tout le monde se précipita pour les ramasser. L'un d'eux, tenant une pile d'enveloppes, cria : « Pourquoi y a-t-il une lettre de Hoat ici ? Et une lettre de Mlle Ben aussi ? »
Hoat jeta rapidement de l'eau sur le feu et courut chercher la lettre. Il s'avéra que Tuan avait échoué à plusieurs reprises à séduire Ben. Il se vengea donc en gardant les lettres qu'ils envoyaient et recevaient, répandant la rumeur selon laquelle Hoat avait oublié Ben et avait cessé de lui écrire. Il était vrai que « quand la maison brûle, les rats pointent le bout de leur nez ».
Les doutes se dissipèrent. L'amour devint encore plus passionné. Ben et Hoat embarquèrent sur le bateau qui les attendait au bord de la rivière. Les lumières électriques du chantier éclairaient le fleuve. Le ciel était jonché d'étoiles scintillantes. Sous le bateau, des baisers passionnés illuminaient les jours de séparation. Le couple se serrait fort dans les bras. Ignorant les lumières électriques, ignorant le rugissement des motos, ignorant le balancement du bateau… Oh là là, l'attente était si excitante. La rivière coulait encore lentement dans cette nuit magique. Le pont qui allait être achevé reliait non seulement les deux rives, mais aussi l'amour éprouvé par le temps et les aléas de la vie. Le bateau de l'amour était solidement ancré au bord de leur ville natale. La rive du fleuve ne resterait plus que dans les mémoires, mais la rive de l'amour resterait à jamais gravée dans le cœur du couple qu'elle avait créé…
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